Coups de cœur des lecteurs

Le bleu est une couleur chaude / Julie Maroh. - Ed. Glénat

Résumé :
« Mon ange de bleu, Bleu du ciel, Bleu des rivières, Source de vie… »La vie de Clémentine bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune fille aux cheveux bleus, qui lui fait découvrir toutes les facettes du désir. Elle lui permettra d’affronter enfin le regard des autres. Un récit tendre et sensible.

Commentaire (recueilli sur le net) :
Quelle belle et triste histoire nous donne Julie Maroh avec textes et dessins en tout point magnifique. Un hymne à la tolérance, à l’amour celui avec un grand A, à la différence. La découverte de sa sexualité, son déni puis son acceptation sans tabou par une adolescente à la sensibilité si fragile, le regard des autres (réconfortant ou cruel). Tout cela Julie Maroh le décline avec force, sensualité, retenue, délicatesse.

Maryse

Une histoire d'homme / Zep. - Ed. Rue de Sèvres

Résumé :
Après s’être séparés plusieurs années auparavant, une bande de copains et membres d’un groupe de rock se retrouvent chez l’un d’eux, Sandro. Certains ont réussi, d’autres moins. Au détour de flash-back sur les concerts, la drogue, les amours passagères, ils comprennent les événements mal perçus à l’époque et découvrent que quelque chose de plus fort que la musique unit certains d’entre eux.

Pas de commentaire, juste une vidéo pour vous donner envie…

Maryse, octobre 2013

Le braconnier du lac perdu de Peter May

Rouergue noir, 311 p. 22€

Fin Macleod a quitté la police, pour revenir sur son île natale des Hébrides en Écosse (je croyais que ça se trouvait dans des pays chauds…) Il va devenir pourchasseur de braconniers : en effet la demande de saumon ayant prodigieusement augmenté, braconner et revendre à des gros marchands rapporte énormément. Il n’en trouvera pas beaucoup, car il va être pris dans une drôle d’enquête. Un avion disparu depuis 17 ans avec à son bord un musicien connu d’un groupe devenu célèbre grâce au renouveau de la musique celtique.

Il retrouvera là un très vieil ami, venu s’installer en ermite, pour fuir la douleur d’un amour impossible : la très belle chanteuse à la voix d’ange du groupe qui partage son existence entre plusieurs amants. Il vit en autarcie et ne parle à personne, élevé par un père alcoolique. Le livre est prétexte à de nombreux flashs back de jeunesse, l’inspecteur a été élevé à la dure par une vieille tante après le décès de ses parents…On y découvre que l’Ecosse est pleine de cathos bien sérieux, et qu’il y a quantité de personnages très « colorés ».

L’avion contient un mystère évidemment…qu’élucidera notre Fin Macleod après quelques tabassages en règle et quelques assassinats perpétrés pour protéger ledit mystère. C’est aussi un livre sur les rêves de jeunesse perdus. J’ai sauté les passages où l’on décrit les orages, les tempêtes qui sévissent sur ce pays aride mais beau et sauvage : ça ne donne pas envie d’y aller, même au printemps avec plein de fleurs de toutes les couleurs. Voilà : c’est un excellent livre, un peu dans la tradition anglaise et surtout sans tueurs en série

 Jeanne

Chronique n°5 du 5 juillet 2012 : « C’est rude les
Balkans ! Et pourtant là-bas itou y a du beau monde
en littérature ! »

Désolé ! Je vous ai abandonnés pendant plus d’un mois, mais ce pari de lire « toute » la littérature mondiale depuis la lettre A, y a pas, y prend beaucoup de temps en lecture. Surtout quand s’accumoncellent les moments de surprise et de scepticisme, même si – restons honnête – je me suis initié à l’art de la nouvelle, histoire de prendre un peu de vitesse avant d’atteindre la lettre Z.

Jusque-là je lisais peu de nouvelles en effet, et j’avoue avoir pêché par ignorance, ou bien par dégoût des extraits figure imposée avec lesquels les programmes scolaires nous assèchent la salive littéraire. Or la nouvelle en littérature c’est tout comme l’histoire courte déguisée en vanne de rue ou de comptoir – vous savez « les plus courtes sont les meilleures ! » –, avec un avantage pour la nouvelle c’est que le choix de leur succession peut faire d’un recueil un ouvrage cohérent, moins catalogue qu’un ana. Et choisir telle nouvelle après telle autre est un art que les deux auteurs que je voudrais vous faire aimer maîtrise.

La nouvelle a aussi ceci de précieux que, s’il vous prend l’envie d’aller vérifier par vous-mêmes mes dires de libromane (définition : érotomane qui s’astique le cervelet sur des pages imprimées), vous pouvez y aller en mode TGV (Tout Gober Vivement).

Mais les deux auteurs qui sont-ils ? Écrivains des Balkans ? Slaves du Sud ? Ah oui sorry ils ont un prénom et un nom : David Albahari et Ivo Andric. Vous pourriez alors me demander pourquoi j’hésite et m’interroge sur la manière de les présenter. Tout simplement parce que je suis tombé sur des curiosités éditoriales inattendues. Voyez par vous-mêmes !

En effet je n’savais pas qu’au gré des aléas géopolitiques, l’identité et la nature linguistique des peuples changeaient itou ! Ainsi Ivo Andric (1892-1975) est-il écrivain yougoslave quand il reçoit le prix Nobel en 1961, bosniaque uniquement quand il est réédité chez Phébus en 2006. Mieux encore, quand le bosniaque yougoslave Ivo Andric est traduit du « serbo-croate » dans les années 60, voilà t’y pas que David Albahari (né en 1948 en Serbie – n’était-ce déjà plus la Yougoslavie à l’époque ? – et exilé au Canada depuis 1994) est simplement traduit « du serbe » !

Ainsi si j’étais sarko-ignorant, je resterai confit dans mes méconnaissances et ne saurai pas que Serbes, Croates et Bosniaques parlent la même langue avec des alphabets différents (et sans doute avec des nuances), et surtout, si j’étais européo-libéralo-centré, je resterai indifférent au fait historique de cette expérience d’unification que les peuples slaves du Sud ont appelée Yougoslavie entre 1919 et 1991, soit quasiment tout au long du 20ème siècle  (Mais ce siècle a-t-il réellement existé ? me demanderais-je si j’étais programmateur de sottises officielles). Le message une fois décrypté est clair : la Yougoslavie n’existant plus, elle n’a jamais existé ; et j’ajouterai, féroce colérique que je suis, un grand merci à l’OTAN au passage pour ses frappes aériennes devenues par la magie de l’édition des frappes typographiques (chirurgicales elles aussi ?) !

Comme quoi le monde de l’édition est loin d’être neutre et tout autant empreint d’idéologie – au sens de mystification du réel et non de représentation du vécu – que l’histoire par exemple.

Parlons littérature maintenant boudiou ! Car, m’enfin, c’est pour ça que nous sommes là non ?!

Dans les deux ouvrages de David Albahari (« Hitler à Chicago » 2007 ; « Ma femme » 2009, tous les 2 parus aux éditions Les Allusifs), la 1ère nouvelle est un dialogue savoureux sur les aléas de la fiction entre l’auteur et sa femme ; en écho la dernière de chaque recueil reprend ce dialogue mais en plus désabusé (ce contraste entre nouvelles qui encadrent le livre donne le ton général de ces 2 œuvres). « Offre immobilière à Calgary » est un petit bijou d’humour noir sur les relations entre voisins « propriétaires ».

Chez Ivo Andric, dans le recueil de nouvelles « Visages » (paru chez Phébus en 2006), j’ai beaucoup aimé « Célébration », histoire d’un fonctionnaire servile qui pète les plombs une fois par an le jour de sa fête (le personnage de sa femme est décrit avec une profondeur exquise !) ; « Grève à la manufacture de tapis » raconte l’histoire d’une 1ère grève menée par des femmes près de Sarajevo, qui exaspèrent les caciques du pouvoir par leurs chants d’amour quand ils les mettent en prison (j’aurais aimé être là et les entendre !). J’ai aimé encore les contrastes que l’auteur nous ménage dans « Georges Georgévitch » sur l’enfer d’une prudence maladive au quotidien, ou dans « La danse », nouvelle dans laquelle il s’attache avec minutie à nous décrire la danse des pieds d’une femme à la terrasse d’un café alors que tout le reste de son corps demeure immobile, et ce dans un mélange de brutalité et d’érotisme.

L’adage « plus c’est court, meilleur c’est » semble avoir été inventé pour cet écrivain !

P.S. : un seul site trouvé qui mérite mention, et c’est une simple curiosité, qui donne un assez conséquent extrait de l’ouvrage de David Albahari, « Ma femme » : http://fandedavidalbaharimaispasque.over-blog.com/article-david-albahari-personnage-de-fiction-64560056-comments.html#comment74343845

 Pascal

Chronique n°4 du 24 mai 2012

 L’heure de la révélation a enfin sonné ! Moment tant attendu depuis que je me suis lancé ce pari perdu d’avance (mais la nature d’un pari n’est-elle pas qu’il soit tout bonnement lancé et puis basta, charbonnier reste maître chez lui, un tien vaut mieux que deux poules tu l’auras dans les dents, enfin quelque chose comme ça ?).

Vous vous impatientez, hein ? Vous aimeriez bien savoir de qui je vais croquer le portrait bourré d’éloges, hein dites ? Etes-vous vraiment prêts à danser autour de votre table basse de salon en invoquant les dieux tutélaires des peuples Spokane et Cœur d’Alène, vraiment ?

Alors vous êtes mûrs pour vous lancer dans les aventures nouvelles que nous propose Sherman Alexie dans trois de ces livres : La vie aux trousses (2000), Dix petits Indiens (2003) et Danses de guerre (2011), tous traduits excellemment de l’américain par Michel Lederer, et parus dans cette excellentissime collection Terres d’Amérique (chez Albin Michel). C’est d’ailleurs le moteur de mon choix au départ, la collection ; surtout après la rencontre que nos libraires préférés avaient organisé avec son directeur Francis Geffard, un passionné passeur passionnant de sa passion pour la littérature de ce continent, et plus particulièrement de la littérature amérindienne. Un gus, quoi, qui vous peuple la tête au point d’influencer votre choix en médiathèque, si ! Au point de vous y reprendre à deux fois, après avoir jubilé après la lecture du premier, si ! si !

 Car Sherman Alexie possède cette force d’écriture qui manie à la fois humour et ironie, tendresse et froncement de sourcils sans pitié, critique sociale et distance amusée, poésie en prose et « lycée de Versailles » (vice et versa pour les ignorants de l’argot bellevillois). Pour vous faire une idée perso, précipitez-vous sur la nouvelle « Cher John Wayne », dans La vie aux trousses, qui parodie non seulement le film « Little Big Man » mais se moque avec mordant du mythe western par excellence ; un bijou de drôlerie.

J’arrête là ma fausse critique à deux balles ; je préfère citer. Pour vous mettre en appétit.

Danses de guerre, ça commence comme ça :

«  Limites.

J’ai vu un type donner un coup de volant

Pour essayer d’écraser un chien errant,

Mais le corniaud agile a plongé

Entre deux voitures en stationnement.

 

Et il a filé.

Merde, ai-je pensé, ai-je bien vu

Ce que j’ai cru voir ?

Et au feu rouge suivant,

 

Je me suis arrêté à côté du type

Et je lui ai lancé un coup d’œil assassin.

Il savait que j’avais été témoin

De sa tentative de meurtre,

 

Mais il s’en foutait.

Il a souri et crié assez

Fort pour que j’entende

A travers nos vitres fermées :

 

« Me regarde pas comme ça

Sauf si t’as l’intention

De faire quelque chose.

Alors, gros dur,

 

Qu’est-ce que tu vas faire ? »

Je n’ai rien fait.

Au vert, j’ai tourné à droite.

Et il a tourné à gauche.

 

J’ignore ce qui est arrivé

A ce type ou à ce chien.

Je suis rentré à la maison

Et j’ai écrit ce poème.

 

Pourquoi les poètes s’imaginent-ils

Qu’ils peuvent changer le monde ?

La seule vie que je puisse sauver

C’est la mienne. »

 

 Et ça finit comme ça :

« Chaîne alimentaire.

Ceci est mon testament.

Enterrez-moi / Dans une fourmilière.

Après une semaine / De ce festin,

Brûlez les fourmis. / Faites de moi un bûcher funéraire.

Que ma fumée monte / Dans les yeux

De ces corbeaux / Sur le fil du téléphone.

Qu’effarouchés ils / S’envolent

Emportant mes dernières paroles : J’aimais la vie. »

 

Allez encore une, en prose cette fois, c’est dans Dix petits Indiens :

« Mon père est un géant afro-américain qui jouait ailier défensif dans l’équipe des Huskies de l’université de l’Etat de Washington, et ma mère, une Indienne Spokane, est une ballerine toute menue qui a étudié la danse à U-Dub, l’université de Seattle ; aussi, génétiquement parlant, je suis un monstre gracieux. De fait, mon père passait davantage de temps à lire Frantz Fanon et Angela Davis qu’à soulever de la fonte dans la salle de gymnastique, et ma mère était une meneuse de jeu surnaturelle dans une équipe féminine de basket cent pour cent indienne qui se produisait dans la région ; aussi, culturellement parlant, je suis un magicien révolutionnaire métis gauchisant doté d’un tir en suspension à vingt pas codé dans mon A.D.N. » (p 69)

Hilarant comme des chapeaux d’roues non ?

Pour ceusses qui deviendraient aficionados, un seul site, le sien, officiel, en anglais of course : http://www.fallsapart.com  plein de surprises comme ce renvoi à un site US qui photographie des lectrices lecteurs dans le métro, des vidéos de chansons, de poètes, etc…

 Pascal

 

Chronique n°3 du 24 mai 2012

Un peu de poésie dans ce monde de brutes !

Me voilà attiré par un nom, un nom qui circulait dans des conversations à bâtons rompus, où parler pour ne rien dire est élevé au rang d’exercice de maintien, un nom qui – je le sentais bien – fleurait son implicite politique : Anna Akhmatova, poétesse russe d’un vingtième siècle particulièrement mouvementé côté est-Europa.

La poésie, la brute et le truand ! Ce pourrait être le sous-titre du recueil de poèmes d’Anna Akhmatova, paru chez Maspero en 1982 (dans la collection Voix), traduit du russe et présenté longuement et sérieusement par Jeanne et Fernand Rude : Poème sans héros et autres œuvres. La brute et le truand étant incarnés par une seule et même personne : Staline.

J’avais, en effet, déjà entendu parler de son plus célèbre poème, Requiem, décrit comme une charge impitoyable contre le régime stalinien. Ça décoiffe, c’est sûr, comme dans ce 7ème poème, La sentence  écrit en 1939 :

« Et le mot de pierre est tombé

Sur ma poitrine encor vivante.

Ce n’est rien, n’étais-je pas prête ?

Bien ou mal, je m’en tirerai.

Aujourd’hui j’ai beaucoup à faire :

Il faut que je tue ma mémoire.

Il faut que mon âme soit de pierre.

Il faut apprendre à vivre à nouveau.

Sinon … Le chaud murmure de l’été

Célèbre sa fête à ma fenêtre.

Je pressentais depuis longtemps

Ce jour si pur et ma maison détruite. »

Amie de Boris Pasternak et d’Ossip Mendelstam, Anna Akhmatova est présentée – j’y vais à l’arrache ! – comme adepte du genre lyrisme intime et pétrie d’angoisse métaphysique. Parfois cela donne – je fais exprès de détacher une phrase de ce con-d’texte ! – : «Profondément croyante, elle y mettait toute la superstition des vieilles babouchkas. » (sur un des sites les plus partisans nazes du web : http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/akhmatova/akhmatova.html#4). C’est le genre de phrase qui a le don, non pas de m’énerver, mais de me conforter dans mes intuitions et ma suffisance nombriliste. Je m’en doutais ! L’apologie récente d’Anna Akhmatova sent à plein nez sa Russie éternelle. Or, comme je dis souvent à mon ombre, « c’est chiant la Russie éternelle, même si, par hasard, elle existait ».

Car Akhmatova est aussi contemporaine de Maïakovski, et Maïakovski, j’ai dans mes rayonnages, et en œuvres complètes s’il-vous-plaît ! Yes ! Encore un ouvrage qui m’oblige à revisiter mon chez-moi ! Je me hausse sur un tabouret, je saisis trois volumes à la fois, je me replonge dans le tome 1, je me marre, puis rigole franchement, je crayonne les pages, je prends des notes ; bref, je sors de l’état catatonique que provoque en moi la contemplation béate de la Russie éternelle ; bref bref, ma cervelle se remet en mouvement ; bref bref bref, je me régale des inventions et de la vitalité du trublion russe.

Allez, soyez sympa, juste quelques extraits du grand Vladimir (Maïakovski pour les intimes) :

« Je n’ai pas dans l’âme un seul cheveu gris,

non plus que de tendresse sénile !

Entonnerrant le monde par la puissance de ma voix,

je marche dans la beauté

de mes vingt-deux ans.

(…)

Moi, je glorifie encore et toujours

des hommes fripés comme un lit d’hôpital

et des femmes usées comme un proverbe.

(…)

Comment osez-vous dire que vous êtes poète

et tout gris, pépier comme une caille !

Aujourd’hui

il faut

avec un casse-tête

fendre le crâne du monde ! »

(dans Le nuage en pantalon, 1914, traduit et présenté par Claude Frioux, Messidor/temps Actuels, 1984)

Bien ! Il n’empêche que la poésie d’Anna Akhmatova est de toute beauté, certes rentrée, mais beauté tout de même. Deux sites consacrés à la poésie lui rendent un hommage plus sérieux et plus évangéliste : http://poezibao.typepad.com/poezibao/2005/06/anna_akhmatova.html qui renvoie à des liens en russe et en anglais, et http://guesswhoandwhere.typepad.fr/carnets_de_poesie/ akhmatova_anna/, un très beau blog d’un directeur financier amoureux fou de poésie.

Pascal

 

Chronique n°2 du 24 avril 2012. 

Quinze jours plus tard, je retourne derechef à la médiathèque !

Pas grave mon expérience Kôbô Abé – je me dis – je continue l’aventure. Après tout, le pari est audacieux et c’est bien connu – proverbe nippon du XIIe siècle – « la difficulté extrême (orientale) sourit (jaune) aux audacieux ! » (Ouhlà ! cliché limite qui sent sa suffisance extrême occidentale !!).

Et j’arrête mon choix sur un autre sommet de la littérature japonaise, Ryûnosuke Akutagawa. Je prends donc « La vie d’un idiot » (Folio Gallimard, trad. Edwige de Chavanes). Sa dernière nouvelle avant suicide !! Par peur de la folie, à une époque où tout semble se bouleverser dans le Japon de l’ère Meiji, voilà un jeune écrivain qui quitte à 35 ans le début du siècle le plus meurtrier de l’histoire de l’humanité. Autant vous dire à quel point son moral n’est pas au beau fixe au moment où il compose cette œuvre empreinte d’une sensibilité littéraire à fleur de texte, puisant une partie de son inspiration dans la littérature anglaise et française (Baudelaire, Mérimée et Anatole France sont régulièrement cités dans les bio). Obsession de la mort et passion pour la littérature qui se côtoient, comme ça, sans prévenir, ça promettait un avenir pour le moins curieux à mon aventure folle !! Décidément, mes choix mi-hasardeux fleuraient bon leur thérapeutique freudienne !! Wahou !! Faut bien avouer qu’à voir la tronche de l’auteur quelques années avant son suicide, y a d’quoi  prendre peur :                                                                   http://fr.wikipedia.org/wiki/Ry%C5%ABnosuke_Akutagawa

Contre toute attente, et grâce à cet écrivain célèbre en son pays – au point d’avoir donné son nom à un prix littéraire illustre –, grâce à lui donc, j’ai vécu un premier moment kiss-cool, imprévu et assez jouissif : prendre soudain conscience que le dit Akutagawa est (bon sang mais c’est bien sûr !) l’auteur de « Rashômon », conte qui a inspiré au cinéaste Akira Kurosawa le titre d’un de ses plus « famouses » films. Ce film-là je me souviens, je l’ai vu, je l’ai adoré comme « Les sept samouraïs », « Barberousse », « Kagemusha », « La château de l’araignée », « Les bas-fonds » ou bien encore « Vivre », « Derzou Ouzala », et j’arrête là.

Soudain je me souviens qu’Akutagawa et « Rashômon et autres contes » (trad. Arimasa Mori, coll. Connaissance de l’Orient, Gallimard/Unesco, 1965), trône en bonne place dans ma bibliothèque perso, à proximité de François Villon et de Tristan Tzara – allez savoir pourquoi – en attente d’une lecture irrépressible et urgente ; en attente prolongée tout de même, et ce depuis une bonne décade, or donc, pas loin de l’abandon indifférent !!

Sacré moi !! Qui a parfois sacrifié mon amour des livres sur l’autel de l’accumulation primitive – et ce dans le seul but d’accumuler ? – différant ainsi sans délai la possibilité d’en savourer la substantifique moelle au risque de l’oubli !!

Eh bien, vive le patatras, voilà que l’aventure extraordinaire illusoire que je me suis tenu de vivre, bifurquait sur des sentiers plus ordinaires, m’obligeait à revisiter le cadre quotidien de notre 3 pièces de 70 mètres carrés – plus précisément l’étagère de notre salle à manger/salon TV /bureau, construite aimablement par Stèph’, pote ébéniste compagnon.

Emprunter des livres à la médiathèque municipale pour lire enfin ceux de sa propre bibliothèque, quel inattendu parcours papier !

Au fait, « Rashômon » est un conte particulièrement noir et cruel, mais d’une beauté époustouflante. Allez-y voir d’un peu plus près, vous m’en direz des nouvelles.

Pascal

Chronique n°1 du 24 avril 2012.

Mais qu’est-ce qui m’a pris ?

ou

le pari fou d’un apprenti en littérature mondiale

ou bien encore

chroniques du parcours en médiathèque d’un autodidacte.

Février 2012 : ça m’a pris comme une envie de pisser. C’est décidé ! A partir de maintenant, je me plonge dans la littérature mondiale … en commençant à la lettre A. A comme auteur et non T comme titre, j’ose espérer que vous l’ayez compris.

Allez savoir pourquoi, moi qui suis un « grand lecteur » (comme on dit dans le monde merdiocratique), voilà t’y pas que ce jour-là précis, ce mois-là précis, cette année-là précise (dans 1 jour je vote !), j’me décide à commencer par la première lettre de l’alphabet, dans le but de tout m’gauffrer dans cet ordre-là (vous savez ! jusqu’à la lettre Z, bande d’ignorants !), et tout ça comme si j’étais un illettré de la littérature tout court. Qu’est-ce qui m’a pris ?

Mais boudiou ! Qu’est-ce qui m’a pris ce jour-là ? Le calme reposant du 1er étage de la médiathèque de Saint-Ouen – beaucoup moins de monde qu’au 2ème, là où gisent les DVD – suscitant paradoxalement la frénésie de tout lire ? L’envie de prendre ma revanche sur des études universitaires trop franco-centrées, pas assez ouvertes sur la découverte des 5 continents de la littérature ? Parfaire une culture générale, toujours de bon aloi pour briller dans les soirées distinguindées que je ne fréquente pas ? Assumer, en mode frimeur invétéré, ce rôle de président de l’association des amis de la librairie Folies d’Encre, dans lequel m’ont coulé Claude et Sylvie et les adhérentes et adhérents qui m’ont fait encore dernièrement les honneurs d’une élection à faire pâlir Chirac en 2002 ?

Ou peut-être plus simplement, à cinquante ans, jouer avec le temps qui passe.

Se donner en toute liberté une contrainte émancipatrice.

Par amour du livre et de la surprise.

Et pourtant l’aventure commençait mal !! Premier auteur choisi, Kôbô Abé, japonais contemporain de son état, et premier roman auquel je n’ai rien compris, « L’Homme-boîte » (éd. Stock, 1973, trad. Suzanne Rosset). Et pourtant je suis allé jusqu’au bout de ma lecture – moi qui habituellement abandonne un livre qui ne m’a pas ouvert ses portes – espérant sans doute comprendre enfin où voulait en venir l’auteur. Eh bien non, pas de réaction intellectuelle de ma part !

Ce n’est pas faute d’avoir été attiré par la quatrième de couverture – je cite : « Kôbô Abé est un des tous premiers écrivains japonais d’aujourd’hui. Redoutable parabole des temps modernes, son roman L’Homme-boîte nous interroge un peu à la manière des pièces de Beckett. Cet homme qui a enfoui sa tête et le haut de son corps dans une boîte en carton n’est pas un Diogène cynique réfugié dans un tonneau par mépris de l’humanité. C’est un anti-héros, un être mythique dont le mal profond est l’impuissance. Un voyeur aussi, car la seule relation qu’il peut établir avec le monde extérieur se fait par l’intermédiaire de son regard. Ce personnage anonyme a placé un écran entre les autres et lui afin de se protéger des contraintes de la société et la boîte est pour lui à la fois sécurisante et protectrice. Tourmenté et solitaire, il est en même temps capable d’humour et même d’amour. Pour Kôbô Abé, qui est aussi médecin, une identité détruite peut en quelque sorte être « refaçonnée ». Et c’est grâce à la femme qu’il aime que « l’homme-boîte » sortira de son carcan volontaire et rejoindra la vie. »

(En fait je suis un petit malin tricheur ! Ce texte je l’ai chopé sur Internet, à l’adresse suivante http://www.shunkin.net/Auteurs/?book=7 ; et pendant que j’y suis, je découvre aussi sur le même canal d’information, une petite merveille de film d’animation inspiré du roman de Kôbô Abé : par curiosité saine vivante, allez donc ici, au http://www.plathey.net/livres/japon/abe.html, tout en bas de la page ; en attendant d’assouvir votre désir d’images, vous pouvez aussi découvrir la biographie de l’écrivain mort en 1993, 30 ans après avoir été exclu du parti communiste japonais en 1962 pour « trotskisme », immédiatement après la publication de son plus célèbre roman (en France !), « La Femme des sables ». Tiens donc, voilà que je m’intéresse à ce romancier qui m’a désarçonné quasi radical définitif !! Promis, lors d’une pause dans mon pari de dingue, j’emprunterai La Femme …)

Je dois, pour finir, bien le reconnaître : ce roman déconstruit la linéarité de l’intrigue (est-ce pour cela le reproche de déviation trotskiste ?), et, avouons-le, cette approche formelle colle assez bien au contenu, ce qui crée un style particulier. Il n’empêche, je n’ai pas toujours capté qui étaient « je-tu-il ».

Quand j’pense que d’main, j’vote pour « Le… ! »

 Pascal

 

Ce qu'il advint du Sauvage blanc de François Garde

Les livres ont une histoire, l’histoire de leurs écritures, l’histoire de leurs lectures. J’allai donc acheter l’autre jour à la librairie (vous savez celle de Saint-Ouen, la notre quoi) la nouvelle traduction de Robinson Crusoé dont j’avais lu une critique sur le blog de Pierre Assouline quand Sylvie m’a dit « Robinson on l’a déjà lu, tu devrais lire ça Ce qu’il advint du Sauvage blanc de François Garde, c’est un premier roman ». Je ne vais pas dévoiler ici la teneur de ce livre mais voilà ce dont il s’agit : un livre à double lecture d’un seul événement mais qui finit par se tisser, celui d’un marin qui “échoue’’ sur une plage d’Australie au 19ième siècle et qui revient à la civilisation, si j’ose dire, après 17 ans passés chez les aborigènes. C’est un récit inspiré d’un fait réel mais dont un des protagonistes est imaginaire.

Narcisse Pelletier a quant à lui réellement existé, on lit ici le résumé de son histoire et on voit sa photo http://www.presseocean.fr/actu/actu_detail_-Narcisse-Pelletier-le-mousse-naufrage-17-ans-dans-une-tribu-_9182-600953_actu.Htm

Le reste c’est de l’imagination mais pas complètement. Il existe un petit livre qui raconte l’aventure de Narcisse Pelletier que François Garde n’a pas lu, comme il le dit dans une interview, mais dont on lui a narré l’histoire à Nouméa, il a ajouté un personnage de sa création qui le prend en charge et essaie de comprendre à travers lui la vie des “sauvages’’ qu’il avait au bout du compte adopté jusqu’à leur langue, jusqu’à oublier sa propre histoire celle du monde d’avant. Que l’histoire soit vraie ou pas n’est pas ici l’essentiel. L’essentiel, c’est l’émotion de la simplicité et d’une certaine pureté, de se laisser porter par les évènements qui se présentent à nous, de les sublimer en quelque sorte sans pathos, une simplicité qui nous échappe aujourd’hui peut être totalement et qui se retrouve dans l’écriture même de ce livre, Il n’est pas question ici du mythe du bon sauvage mais de rencontres. Narcisse Pelletier le vrai avait lui refusé la proposition d’un cirque qui voulait l’exhiber… Un autre Robinson mais ici perdu dans le monde d’après celui d’avant.

Un extrait :

« Et quand vous étiez en Australie, comment viviez-vous ?

_Au début j’étais comme un enfant. Je ne savais rien faire, ni parler, ni chasser, ni manger. Une vieille s’est occupée de moi. Je suis resté avec elle le temps de devenir grand.

_Mais quel âge aviez-vous quand vous vous êtes retrouvé là-bas ?  demanda la princesse.

Le voyant muet face à une question délicate, je le suppléai :

_Dix-huit ans et six mois. Je crois que les sauvages l’ont considéré au début comme un enfant parce qu’il ne savait rien de leurs usages.

_Comme c’est curieux ! s’étonna sa S.M.»

Pierre

commentaire recueilli sur le net

Les commentaires sont fermés.